«J'étais un homme normal. Ma vie n'avait rien d'extraordinaire: les journées défilaient, un jour j'étais enfant, l'autre adolescent. Un jour je rentrais à l'université, puis j'avais mon premier vrai emploi. Et tous les jours je me disais: le jour de ma mort, ce sera mon dernier.
Et c'est ainsi qu'il arriva, ce jour fatal. C'était un jour normal. Il n'avait rien d'extraordinaire, lui non plus. Une simple matinée d'été, encore fraîche grâce aux pluies de la nuit. Le réveil avait été dur, j'avais encore envie de dormir, de me blottir contre la couette chaude, de repenser à la jolie fille que j'avais aperçue dans mes rêves. Mais le train de la vie n'attend pas, et, un instant plus tard, j'étais habillé, prêt à partir au travail. Alors que je traversais la première rue, celle devant chez moi, une voiture m'est rentrée dedans. Aussi bête que cela puisse paraître, cela arrive à n'importe qui, tous les jours. Je m'étais simplement demandé si j'avais bien refermé la porte, et j'avais tourné la tête, ce qui m'avait empêché de la voir à temps. Le chauffeur avait quelques coups dans le nez, affirmèrent les autorités. Ça arrive aussi, les fins de soirées tardives.»
Il fait noir. J'ai beau essayer d'ouvrir ou de fermer les yeux, je n'arrive pas à passer de l'un à l'autre. Sont-ils ouverts, sont-ils fermés?
Mon dernier souvenir, c'est la porte de ma maison, vue de l'asphalte de ma rue, à travers le sang qui dégoulinait de mon front pour me cacher les yeux. Elle était fermée.
Après ça, c'est le flou total. Quelques sensations, comme si j'étais dans un ascenseur extrêmement rapide et que mon estomac se levait lourdement. Puis des chocs violents. Une sensation de froid aussi, un gel atroce.
Enfin, de la lumière. Il me semble que ça fait une éternité que je suis là, allongé sur je ne sais quoi. J'aperçois donc quelques points lumineux qui me tournent autour. Des anges? Leur nombre augmente, de trois ils passent à cinq, puis à dix, à cent, à mille, et petit à petit j'entrevois le décor qui m'accueille. Je suis dans la forêt, allongé à côté de quelques arbres immenses, d'une fougère étrangement claire. Je me regarde. Mes habits sont verts.
J'ai l'impression que ma vue a baissé. Plus je regarde loin, moins cela me semble net. Si, en fait, c'est net. Seulement c'est découpé en morceaux, comme une inexplicable mosaïque qui se déplace en suivant mes yeux.
Les lumières autour de moi ont arrêté de se multiplier. J'entends des petits chuchotements. Communiquent-elles ainsi? Un petit rire aussi, comme une douce cascade, semble jaillir des profondeurs de la forêt.
Je me lève péniblement. Mes genoux sont douloureux, comme rouillés. C'est presque comme si je les entendait grincer. Alors que je m'accroupis, une mèche brune me tombe sur les yeux. Il me faudra un peu de temps pour me rendre compte que c'est un changement, auparavant j'étais blond.
Cette prise de conscience amène avec elle un choc. Je sors de mon apathie, de mon indifférence. Mais que se passe-t-il? Qu'est cet endroit? Suis-je mort? Est-ce que c'est le Paradis?
Pourquoi ai-je une épée? D'où me viennent ces habits?
Je me lève rapidement, mes articulations semblent avoir repris leur fonctionnement habituel.
Tandis que j'écarte la mèche rebelle qui me cache sans arrêt la vue, la lumière des fées commence à vaciller.
Heureusement, le soleil est sorti et je vois clair.
Je sors mon épée du fourreau, elle est mince, légère et équilibrée. Son fil est très fin, cela m'impressionne. Elle semble pourtant assez basique, le manche est peu décoré, la lame est droite. Un détail attire mon attention cependant: sur la lame sont gravés les mots ''Haaralf, Prince des lucioles''.
Qu'est-ce que c'est que cette histoire? Prince des Lucioles? Dans mon monde, on en aurait ri tellement c'est ridicule.
Un bruit attire ensuite mon attention. Une fougère a bougé. Je range mon épée dans son fourreau - erreur que je ne ferai plus.
[hrp] C'est un roman sans fin. Voici le début, le reste arrivera quand j'aurais envie de continuer
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